Le Chant du Cygne

Aux deux recueils de Lieder retrouvés après la mort de Schubert, l’éditeur Haslinger ajoutait un quatorzième Lied et donnait à l’ensemble le titre de Chant du Cygne. Inutile donc d’y chercher les cohérences, l’architecture ou la dramaturgie de La Belle Meunière ou du Voyage d’hiver. Et pourtant, si ce faux cycle est passé à la postérité, n’est-ce pas en raison de la plongée qu’il offre au coeur des derniers jours du compositeur ?

 

Angoisses, espoirs, douleurs, nostalgie, l’ensemble de ces quatorze Lieder est d’une telle profondeur qu’il semble nous mettre en communication avec l’intimité de l’âme de Schubert, dans ces jours ultimes où il fut probablement le plus vulnérable. Si cohérence il y a, elle est avant tout psychique   et procède de ce qu’il y avait de plus singulier et de vital dans cet homme. C’est à partir de là que ce programme a été pensé et défni, dans sa conception comme dans son interprétation.

Dans sa conception : en mettant en miroir du cycle une sélection de Lieder qui montrent combien les thèmes qui obsèdent Schubert fécondent déjà ses premiers Lieder (regret de l’amour absent, désespoir de l’amour perdu, omniprésence de la mer et de la nature, mais aussi imprégnation d’un imaginaire mythologique), on sent et on comprend à quel point la charge émotionnelle de ces thèmes est amplifiée dans Le Chant du Cygne en même temps que l’inventivité des formes musicales.

Dans son interprétation : le son si particulier d’un piano Érard de 1859 (de trente ans postérieur à la mort de Schubert) crée une continuité avec les instruments pour lesquels ces Lieder ont été composés. Ses sonorités si colorées et pourtant d’une grande clarté, sa palette dynamique plus subtile que sur un piano moderne mais pleine de contrastes incitent le pianiste comme le chanteur à aller plus loin dans la recherche d’une intimité primordiale, d’une simplicité à la fois fragile et forte, loin de tout maniérisme.

C’est vers ce voyage contrasté dans le Schubert des derniers jours que ce disque se propose d’embarquer l’auditeur. Voyage sombre certes, jusqu’aux confns d’un désespoir absolu, à la limite de la folie, mais qu’une lumière secrète caresse cependant : le Taubenpost conclusif, dernière clé du monde de Schubert, accueille ce grand désir inapaisé qu’est la Sehnsucht – comme pour signifer que ne pas accepter de souffrir, c’est refuser de vivre. 

 

Durée du spectacle : 1h30 env. (avec entracte)

 

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